Les produits laitiers font partie intégrante de la tradition culinaire occidentale.
En Suisse, pays de la vache laitière, chaque habitant consomme en moyenne 400kg par an de lait sous forme de différents produits laitiers : lait, fromages, yogourts etc.
Mais saviez-vous qu’en Suisse une personne sur cinq peut rencontrer des troubles digestifs suite à l’ingestion de produits laitiers pour des raisons tout à fait naturelles en lien avec leur génétique ?
Le lactose
Le lactose est le principal « sucre de lait » constitué de deux molécules de sucre qui sont le glucose et le galactose. Le lactose se retrouve exclusivement dans le lait des mammifères.
C’est au niveau de l’intestin grêle que l’enzyme digestive la lactase, sorte de ciseau biologique, intervient pour découper la liaison entre ces deux sucres et ainsi permettre à chaque sucre simple de traverser la barrière intestinale pour rejoindre la circulation sanguine.
Le lactose non digéré, il va où ?
Il continue son chemin jusqu’au côlon où certaines bactéries de la flore intestinale vont s’en nourrir (processus de fermentation bactérienne). Cette fermentation bactérienne va dégrader le lactose et provoquer la formation de différentes molécules : hydrogène, méthane, dioxyde de carbone (CO2) et des acides qui vont être responsables de certains symptômes de l’intolérance au lactose.
Le travail de la lactase, enzyme digestive
La lactase atteint son pic d’activité à la naissance afin de permettre au nourrisson de digérer le lactose présent dans le lait maternel et diminue progressivement à partir de l’âge de 2-5 ans. Un déficit en lactase à l’âge adulte (hypolactasie primaire) est un phénomène naturel qui touche 75% de la population mondiale et qui ne doit pas être confondu avec l’allergie au lait qui implique une réaction du système immunitaire.
La capacité de digérer le lactose est naturellement présente chez les nouveau-nés et diminue après la petite enfance chez une majorité de personnes, tandis que d’autres vont maintenir leur capacité enzymatique tout au long de leur vie.
Dans certains cas, l’intolérance au lactose n’est pas d’ordre génétique mais secondaire à des affections digestives (hypolactasie secondaire) ou de nature pathologique congénitale chez des nourrissons (hypolactasie congénitale, forme très rare).
Mutations génétiques
La diminution progressive de la lactase passé un certain âge concernait tous nos ancêtres jusqu’à une époque plus ou moins lointaine. C’est seulement suite à des mutations génétiques intervenues entre 5000 et 10'000 ans avant JC que certaines populations ont développé la capacité de maintenir l’activité de cette enzyme digestive après le sevrage maternel.
Il existe une hypothèse selon laquelle cette mutation génétique fait suite à la domestication du bétail et à la consommation régulière de produits laitiers animaux à l’âge adulte. Cette sélection naturelle a conduit certains individus à devenir « lactase persistants » (LP). Les personnes intolérantes au lactose sont « lactase non persistants » (LNP).
La prévalence de l’intolérance au lactose varie donc naturellement en fonction des populations. En Europe du Nord on comptabilise environ 20% d’intolérants au lactose tandis qu’en Afrique ce chiffre monte jusqu’à 80% et en Asie on parle de 90% d’intolérants au lactose.
Symptômes de l’intolérance au lactose
Le fait de posséder une moindre quantité de lactase ne provoque pas systématiquement des réactions chez les consommateurs de produits laitiers. Les réactions varient en fonction des quantités ingérées, des aliments associés, du seuil de tolérance et de la qualité de la flore intestinale (microbiote).
Les symptômes les plus connus de l’intolérance au lactose sont flatulences, ballonnements, crampes d’estomac, douleurs abdominales, borborygmes, coliques, diarrhée, constipation, nausées, vomissements mais certaines personnes disent également souffrir de maux de tête, fatigue, troubles ORL, douleurs arthritiques, troubles cutanés.
Les tests diagnostiques
Comment savoir si vous faites partie des personnes qui produisent une faible quantité de lactase à l’âge adulte ? Il existe différents moyens pour le savoir :
Auto-diagnostic : Arrêt momentané puis réintroduction des produits contenant du lactose.
Test génétique «génotype LCT®» : Prélèvement de cellules par frottis de la cavité buccale afin de déterminer le génotype du patient. C’est un moyen sûr de tester l’intolérance primaire génétique sans confusion avec l’intolérance secondaire.
Test respiratoire de l’hydrogène expiré ou Breath test : Le patient se présente à jeun et selon un protocole médical défini il devra expirer dans un appareil qui mesure la quantité d’hydrogène exhalé avant et après ingestion d’une solution liquide contenant du lactose. (Test le plus fréquent).
Test de tolérance au lactose : A jeun, le patient boit un liquide contenant du lactose. Son taux de glucose sanguin (glycémie) va être mesuré avant et après ingestion.
Test d’acidité des selles
Biopsie de l’intestin grêle
N’hésitez pas à demander à votre médecin le niveau de fiabilité de chaque test.
Confusion entre l'intolérance au lactose et l'allergie aux protéines de lait
On peut parfois confondre l'intolérance au lactose avec l'allergie ou l'intolérance aux protéines de lait. En cas de suspicion d'intolérance aux produits laitiers, je propose l'éviction des produits laitiers pendant 1 mois avec ensuite une réintroduction progressive afin de vérifier la tolérance à chaque groupe d'aliment concerné. Un réglage alimentaire personnalisé s’effectue en parallèle afin d’assurer une alimentation équilibrée, saine et variée.
Une vie sans lactose ?
Il existe de nombreuses préoccupations chez les personnes qui doivent se soumettre à ce genre de régime comme la peur de manquer de calcium ou l’impression de ne pas pouvoir faire sans son verre de lait ou sans son bout de fromage ou encore des questionnements sur les sorties au restaurant ou invitations chez des amis. Une diminution ou une suppression de produits contenants du lactose nécessite un encadrement professionnel et le soutien de son entourage.
Et le calcium dans tout ça ?
Il est vrai que dans nos sociétés occidentales les produits laitiers sont une source de calcium privilégiée mais ce n’est pas la seule source possible. Sardines, pois chiches, tofu, amandes, graines de sésame, lait de coco, persil, brocolis, choux, algue wakamé et figues sèches font partie des aliments avec une teneur intéressante en calcium. L’apport en calcium est essentiel et ne doit être ni trop faible, ni trop importante et doit s’intégrer à une alimentation variée.
L’OMS a mis en lumière le « paradoxe du calcium » car on a constaté depuis plusieurs années que les taux de fractures de la hanche sont plus élevés dans les pays développés grands consommateurs de produits laitiers que dans d’autres pays dont l’apport en calcium est plus faible.
Il ne faut pas oublier qu’il existe d’autres paramètres importants comme la vitamine D sans laquelle le calcium ne pourrait pas être métabolisé. Il est toujours délicat de parler des propriétés d’un seul nutriment sans penser à toutes les interactions biochimiques en œuvre dans le corps humain. Il faut aussi tenir compte des aliments qui nuisent à l’absorption du calcium, en effet un régime alimentaire trop salé ou trop acidifiant (excès de produits laitiers, viande, sucre, céréales raffinées etc.) conduit à une perte de minéraux et donc à une fragilisation osseuse.
Produits « sans lactose » une mode ?
L’intolérance au lactose de l’adulte n’est pas une maladie mais bien une prédisposition génétique naturelle présente chez des milliards d’êtres humains. Le « sans lactose » n’est donc pas une simple mode alimentaire sur laquelle surfe les industriels mais un réel besoin de santé pour les intolérants, il faut bien entendu savoir faire le tri dans cette jungle de produits alimentaires pas toujours sains.
Où trouve-t-on le lactose ?
Le lactose n’est pas seulement présent dans les produits laitiers mais aussi dans beaucoup de médicaments, plats préparés, viennoiseries, charcuteries et il est souvent utilisé comme additif industriel.
Cuisiner sans lactose
Il existe de nombreux produits disponibles dans certains supermarchés et magasins diététiques pouvant vous apporter des textures et saveurs intéressantes pour préparer vos plats traditionnels et qui sont naturellement sans lactose comme la crème végétale de noix de cajou ou d’amande.
De nombreuses populations cuisinent sans produits laitiers et il est possible de s’en inspirer pour intégrer des nouvelles recettes de cuisine et faire un petit voyage gustatif en Chine, Thaïlande ou au Japon par exemple.
Pas tous égaux face à l’alimentation
Ce qui est bon pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre, il est donc essentiel d’adapter son alimentation en fonction de ses tolérances, son état de santé, ses dépenses énergétiques et ses envies. Bien manger c’est tout un art.
Ruby HÖLDRICH
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Sources Drs Pauline Coti, Michel Roulet, Mme Nicoletta Bianchi, Revue Medicale Suisse « Intolérance au lactose de la biologie des populations au cas individuels » https://www.revmed.ch/RMS/2000/RMS-2323/20887 (consulté le 29 octobre 2018) Ifé « La génétique de la tolérance au lactose et la sélection naturelle» http://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/evolution/accompagnement-pedagogique/accompagnement-au-lycee/terminale-2012/un-regard-sur-levolution-de-lhomme/evolution-dans-la-lignee-humaine/quelques-aspects-genetiques-de-levolution-des-populations-humaines-homo-sapiens-sapiens/culture-et-selection-naturelle-au-cours-de-lhistoire-des-populations-humaines/lactase/plan-lactase (consulté le 29 octobre 2018) Marion Wäfler Gassman, Société suisse de Nutrition « Alimentation et intolérance au lactose » http://www.sgessn.ch/media/feuille_d_info_alimentation_et_intolerance_au_lactose_2013_2.pdf (consulté le 29 octobre 2018) Sanslactose « intolérance au lactose » http://www.sanslactose.com/fr/intolerance-au-lactose/is/201 (consulté le 29 octobre 2018) Hervé Delacour, Amandine Leduc, Andréa Louçano-Perdriat, Julie Plantamura, Franck Ceppa du département de biologie, Hôpital d’Instruction des armées Bégin, France « Diagnostic de la prédisposition génétique à l’intolérance au lactose par une approche high resolution melting » http://www.jle.com/fr/revues/abc/e-docs/diagnostic_de_la_predisposition_genetique_a_lintolerance_au_lactose_par_une_approche_high_resolution_melting_308911/article.phtml (consulté le 29 octobre 2018) Producteurs Suisses de Lait « Marché du lait, structure du marché, consommateurs » https://www.swissmilk.ch/fr/producteurs-de-lait/marche-du-lait/structure-du-marche/consommateurs/ (consulté le 30 octobre 2018) Jürg Wermuth, Christian Braegger, Daniela Arndt, Rémy Meier, Forum Med Suisse, « Intolérance au lactose » https://medicalforum.ch/fr/resource/jf/journal/file/view/article/smf/fr/fms.2008.06614/2008-40-342.pdf/ (consulté le 29 octobre 2018) Report of a joint FAO/WHO expert consultation, Bangkok, Thailand « Chapter 11 Calcium, Ethnic and environmental variations in the prevalence of osteoporosis, the calcium paradox”:
http://www.fao.org/docrep/004/Y2809E/y2809e0h.htm (consulté le 1er novembre 2018)